Smoke de Dan Vyleta, une histoire sans écran de fumée

1

Smoke de Dan Vyleta est paru le 4 janvier dernier chez Robert Laffont et j’ai pu le découvrir grâce à l’éditeur et à Netgalley. On découvrait dans la bande annonce de cette nouveauté que dans le monde de Smoke les hommes émettent une fumée plus ou moins noir, selon la noirceur de leurs pensées.

L’idée de l’auteur est venue d’une citation de Dickens dans Dombey et fils. “Si les particules toxiques qui proviennent d’un air vicié étaient perceptibles à la vue, nous les verrions peser en un épais nuage noir sur ces lieux. Mais si la peste morale qui les accompagne pouvait être rendue perceptible, quelle abominable révélation !“, écrivait-il.

Dan Vyleta donne donc corps à cette idée dans Smoke. Tout commence dans une pensionnat typiquement anglais. Un pensionnat de garçon où la vie est dure. Thomas Argyle et Charlie Cooper sont devenus amis. Ils souffrent ensemble de leurs conditions de vie. Dans ce pensionnat de la haute société, ce qui compte c’est de dompter la fumée.

Mais dans le dortoir, la cohabitation avec leurs camarades n’est pas facile. Julius, du même âge qu’eux, se comporte en chef de meute. Avec des larbins qu’il appelle des préfets, il s’amuse à défier ses camarades la nuit pour les faire fumer. La pire des humiliations dans cette Angleterre de la fin du XIXe siècle.

Mais ce n’est pas le pire. Comment Julius, qui prend clairement un plaisir sadique à humilier ses camarades peut-il n’émettre aucune fumée ? A-t-il un self-control hors du commun ou possède-t-il un autre secret. C’est ce que se demandent Thomas et Charlie. Thomas se demande surtout si l’hérédité n’est pas plus importante encore que la maîtrise de soi. Car si c’est le cas, il pourrait bien devenir un meurtrier, comme son père l’était.

Dans Smoke, la fumée comme facteur de discrimination sociale ?

Tout tourne donc autour de cette fumée. Surtout que celle-ci est le prétexte à une ségrégation sociale. Il y a ceux qui fument d’un côté, l’engeance de la société. Et ceux qui ne fument pas de l’autre, l’élite. Les pauvres seraient donc des réceptacles du pêché, tandis que les riches ont toutes les vertus du monde.

C’est évidemment là l’élément fort du roman de Dan Vyleta. Il permet surtout de démontrer que c’est l’information et l’éducation qui sont les clés de la discrimination. Depuis des générations, à l’école, au travail, à l’église, on rappelle que la fumée est la preuve que l’on est un pêcheur.

Evidemment tout cela repose sur un mensonge. C’est ce qu’on découvre au fil des aventures de Thomas et Charlie. Il y a la livraison d’un étrange colis dans leur pensionnat, puis les révélations de Lady Naylor, la tante de Thomas où il passe Noël avec Charlie.

Là bas ils rencontrent Livia, la fille de Lady Naylor. Celle-là ne jure que parce qu’on lui a répété toute sa vie. La fumée c’est mal. Ceux qui fument ne sont rien de plus que des personnes se laissant aller comme des animaux. Mais ce que Thomas, Charlie et Livia apprennent bouleverse leur vision du monde.

La fumée n’est pas ce qu’ils croient. Mais c’est la société toute entière qui veut leur faire croire qu’elle est la matérialisation de ce qu’il y a de plus mauvais dans l’homme. Cela, ils vont s’en rendre compte quand ils échappent à une tentative de meurtre.

Echapper à l’écran de fumée de la société

A partir de là, leur vision du monde bien ordonnée s’écroule. Rien ne correspond en réalité à ce qu’il croyait. La fumée n’a rien à voir avec le pêché. Les aristocrates ne sont pas des saints. Certains de leurs professeurs font partie d’une police politique qui a tout de l’inquisition. Et surtout les gens du peuple, ces gens sales qui fument sans arrêt ne sont pas mauvais.

Leur fuite les emmène auprès de ces gens. Ce sont des mineurs de fond qui extraient le charbon qui les accueillent avec bonté. Ils fument évidemment. Pire, ce sont des syndicalistes qui ne supportent pas leur exploitation. Mais ils sont plein de compassion.

A Londres, c’est un couple sans enfant qui leur offre un refuge. Ils découvrent même que des gens ne fument pas. Mais, ne pas fumer, c’est souvent la preuve qu’on ne ressent simplement rien. Ne pas fumer, c’est être moins qu’un homme.

Thomas, Charlie et Livia vont se retrouver face à un choix. Accepter l’hypocrisie du monde, ou faire exploser cette société artificielle avec l’espoir qu’un monde meilleur puisse en sortir.

NOS NOTES ...
Histoire
Personnages
Style
Article précédentCitation du Dimanche : Designated Survivor
Article suivantLe Retour de Mary Poppins, bande annonce VOST
smoke-de-dan-vyleta-histoire-ecran-de-fumeeJ'ai beaucoup aimé Smoke. C'est un livre intelligent qui parle des carcans que la société crée pour trouver un équilibre. Mais ces règles parfois rigides ne sont pas toujours faites pour le bien de tous mais juste de quelques-uns. Il y a deux solutions, ou on l'accepte ou on est prêt à chercher la vérité. Evidemment c'est cela que vont chercher Thomas, Charlie et Livia. Mais ce ne sera pas sans mal. Pour faire sauter les verrous de la société et les œillères de la masse, il faut parfois en passer par une révolution !

1 COMMENTAIRE