Résumé : La lueur d’ un téléviseur éclaire une chambre de motel par ailleurs sombre. Sur les ondes, le journal télévisé évoque l’histoire d’un garçon disparu nommé Alton Meyer (Jaeden Lieberher) pour la dernière fois avec un homme nommé Roy, voyageant dans Chevrolet Chevelle gris souris.
Sorti mercredi 16 mars, je suis allé voir Midnight Special jeudi soir. Je n’avais pour l’instant vu qu’un seul film de Jeff Nichols avec Take Shelter, et si on peut trouver des points communs entre les deux, le plus évident étant la présence de Michael Shannon dans le rôle principal de Roy, il y a aussi des différences intéressantes et globalement le film est vraiment agréable à voir et sort surtout des sentiers battus de ce qu’on peut voir aujourd’hui.
Déjà au niveau de la narration, on est jeté directement dans le feu de l’action. On découvre, alors que l’écran est encore noir et avec la retransmission sonore d’un JT, que le jeune Alton Meyer a été enlevé. Pour ceux qui ont entendu le pitch partout dans les médias sur le fait que ce film est celui d’un père qui veut sauver son enfant, cela peut déjà donner des idées, ou des fausses pistes sur ce qui va se passer ensuite. Ce n’est après seulement que les premières images arrivent et l’on découvre alors les deux kidnappeurs avec Alton, sur le point de quitter la chambre d’un motel guère attrayant afin de poursuivre leur cavale.
L’introduction du film donne le ton de la manière dont le spectateur apprend les choses au fil des événements et des rencontres que vont faire les personnages. Pas de scène d’exposition ou de dialogues inutiles pour nous donner des infos et du contexte. Voila qui est agréable, enfin un film, et cela faisait bien longtemps pour ma part, où le spectateur n’est pas pris pour un simple benêt incapable de comprendre que 1 + 1 = 2. Enfin du respect. Au contraire, plusieurs fausses pistes sont jetées aux enquêteurs qui suivent l’affaire et le spectateur qui n’en sait guère plus avance au même rythme. Une seule chose est sûre, Alton n’est pas un petit garçon comme les autres.
Côté interprétation Jaeden Lieberher dans le rôle du jeune garçon assure parfaitement sa partition et assure avec Michael Shannon qui emmène le film sans hésitation, créant une relation tout à fait crédible entre les deux personnages. Joel Edgerton, qui joue Lucas le complice de Roy, pourrait paraître transparent, cependant il évolue lui aussi au contact d’Alton, et avant la fin du film on comprend qu’il pourrait faire n’importe quoi pour le garçon. Visible dans le jeu de l’acteur, cette évolution n’est dite qu’en une seule réplique, ce qui en dit long sur la maîtrise de la narration de Jeff Nichols. Quant à sa réalisation sans artifice, elle n’est pas sans me rappeler pour sa simplicité au service de l’histoire celle de Clint Eastwood.
Dans les rôles secondaires Kirsten Dunst qu’on découvre sans maquillage, Adam Driver dans le rôle de Paul Sevier de la NSA, Bill Camp dans le rôle de Doak ou encore Sam Shepard dans celui de Calvin Meyer complètent un casting qui s’est mis au service du film. Une autre performance qui démontre que Jeff Nichols est aussi un sacré directeur d’acteur.
Classé comme film dramatique et d’aventure, Midnight Special est aussi un film de science-fiction car Alton est vraiment très spécial. Beaucoup a été dit sur les références à Rencontres du 3e type de Spielberg, mais la plus appropriée est certainement celle à Starman de John Carpenter. Il se dégage de Midnight Special une simplicité et une innocence des personnages principaux qui ne sont pas sans rappeler Jeff Bridges dans Starman. La référence religieuse est forte aussi chez tous les personnages du film, tous veulent “croire” car ils ont tous des doutes. Il n’y a que Michael Shannon qui “croit” vraiment. Et c’est celui qui est prêt à sacrifier ce qui compte le plus pour lui, comme Abraham, car il y a un destin plus grand accomplir.
Au final l’inéluctable arrive et Jeff Nichols arrive tout de même à nous surprendre. Ses choix techniques feront même que son film vieillira bien. On sort de là, en entendant d’autres spectateurs disant “y’a aucune explication à la fin c’est nul”, mais pour ma part j’en suis sorti avec le sourire aux lèvres avec le souvenir de mes premiers visionnages de films de SF des années 60 et 70, qui n’avaient pas peur de faire ce qui n’avait pas été fait.
A l’heure des reboots ou des remakes, sans parler des suites perpétuelles de films de super-héros, c’est un vent de fraîcheur qui fait du bien.