Citation du Dimanche : Network de Sydney Lumet

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Listen to me: Television is not the truth! Television is a God-damned amusement park! Television is a circus, a carnival, a traveling troupe of acrobats, storytellers, dancers, singers, jugglers, side-show freaks, lion tamers, and football players. We’re in the boredom-killing business! So if you want the truth… Go to God! Go to your gurus! Go to yourselves! Because that’s the only place you’re ever going to find any real truth.

Ce film de Sydney Lumet est sans doute la charge la plus forte qui ait jamais été faite contre la télévision. C’est sans doute pour cela que Network, ou Main basse sur la TV comme il est intitulé en Français, ne passe jamais à la télé. La claque serait trop forte pour les téléspectateurs. Ils risqueraient de réfléchir sur les programmes qu’on leur propose aujourd’hui. Surtout ce film qui a 40 ans décrit à la perfection ce qu’est la TV aujourd’hui.

L'affiche du film Network réalisé par Sydney Lumet.
L’affiche du film Network réalisé par Sydney Lumet.

J’imagine que lorsque Lumet s’est emparé du sujet en 1976, personne ne s’attendait à ce qu’il dise du bien de la télé. Mais là son réquisitoire est impitoyable. Pour cela il s’appuie sur Howard Beale, un journaliste vieillissant viré par UBS parce que ces audiences sont en baisse constante. Il réagit à cette annonce dans son journal suivant en annonçant qu’il se suicidera en direct dans deux semaines pour son dernier journal. La nouvelle fait sensation. Iimmédiatement Howard Beale devient une icône et un atout de la chaîne grâce à son franc parler très politiquement incorrect. Le network lui donne donc une émission où chaque semaine, en direct, il peut dire la vérité au peuple américain.

Quand l’information fait place au divertissement

Sydney Lumet montre bien par le biais le cynisme des patrons de network. Pour eux ce n’est pas la vérité qui compte bien sûr. Mais en donnant au public ce qu’il veut, ils peuvent faire plus d’audimat, gagner plus de parts de marché et donc plus d’argent. L’information est rangé dans une case comme n’importe quel autre produit que l’on peut formater pour s’adapter constamment à ces exigences.

C’est Robert Duvall dans le rôle de Frank Hackett qui joue le patron de chaîne placé par l’actionnaire. Faye Dunaway, dans le rôle de Diana Christensen, joue le rôle de la programmatrice prête à tout pour faire de l’audimat. Tous les deux ils portent cette course à l’échalote malsaine. Ils en viennent à perdre tout contact avec la réalité. Ils n’analysent plus le monde que par les chiffres marketings et les analyses montrant où non l’attachement du public aux clowns qu’ils mettent à l’écran.

Manipuler les idées des téléspectateurs

Arthur Jensen, le grand patron de la chaîne joué par Ned Beatty, veut lui aussi profiter de ce poids. Aussi rencontre-t-il Howard Beale pour lui donner sa vision des choses. Les Etats n’existent plus et il n’y a plus que les grandes corporations qui ont de l’importance dans le monde.

There is no democracy. There is only IBM, and ITT, and AT&T, and DuPont, Dow, Union Carbide, and Exxon. Those are the nations of the world today. What do you think the Russians talk about in their councils of state, Karl Marx? They get out their linear programming charts, statistical decision theories, minimax solutions, and compute the price-cost probabilities of their transactions and investments, just like we do.

Mais Sydney Lumet va encore plus loin. Car il ne salit pas seulement dans ce film ceux, dont on sait bien finalement, qu’ils ne sont là que pour faire monter l’audience. Il s’attaque aussi à ceux qui sont sensés se battre pour des idées. Grâce à un deal avec un groupe communiste qui leur fournit des vidéos d’actions terroristes, la chaîne monte une nouvelle série. Avant même que celle-ci ne soit diffusée, on voit les les membres du groupe révolutionnaire se battre sur le pourcentage à toucher pour leur contribution. L’argent dévoie tout, même ceux qui sont sensés être purs. Une critique d’autant plus forte quand on sait que Sydney Lumet n’a jamais caché ses convictions de gauche.

Quand la TV suroccupe l’espace public

Dans le film, la presse écrite n’est pas non plus exempte de critique. Via le personnage de Diane Christensen, elle est attaquée pour son intérêt à la télévision plutôt qu’aux affaires internationales importantes.

You know, Barbara, the Arabs have decided to jack up the price of oil another 20%… uh, the CIA has been caught opening Senator Humphrey’s mail… there’s a civil war in Angola… another one in Beirut… the, uh, New York City’s still facing default… they finally caught up with Patricia Hearst… and the whole front page of the “Daily News” is Howard Beale.

C’est bel et bien un problème que l’on connait de nos jours. Beaucoup d’émissions de TV portent uniquement sur la TV elle-même. Le monstre s’auto-alimente. Mais en plus, tous les autres médias alimentent également la télévision. Une sorte de suicide collectif pour un spectacle qui n’a rien d’artistique et encore moins de créatif ou d’intelligent.

Pour contrebalancer ce point de vue, on a seulement William Holden dans le rôle de Max Schumacher. Celui-ci était jusqu’à l’arrivée du nouvel actionnaire responsable de l’information. Il est celui qui a connu le temps du travail sérieux entre professionnels. Au début il essaie de suivre tant bien que mal l’évolution de la chaîne. Il comprend qu’au fil du temps lui et ses collègues se sont éloignés de l’essentiel et de leur travail de journaliste. Mais face à la prise de pouvoir des génies de l’audimat qui osent absolument tout, il voit ce qu’il est devenu. Il comprend alors qu’il a depuis longtemps perdu son chemin et démissionne.

Une satyre à voir absolument

Je ne vous dirai pas ici la chute du film, mais je vous confirme qu’il n’y a pas de happy end. Je vous conseille vivement de vous procurer ce film. C’est un must-see. Sydney Lumet est allé jusqu’au bout de son propos et à part la chute tout s’est finalement déjà produit à la TV. Allez savoir, ce n’est peut-être plus qu’une questions de temps.